Les deux ‘Corinnes’ des Amours d’Ovide

Ovide a donné à sa puella le nom d’une poétesse grecque, Corinne, célèbre pour avoir triomphé de Pindare à plusieurs reprises dans une compétition poétique. Dans cet article, je défends l’hypothèse que ce choix s’explique par le désir d’instaurer une autre compétition entre l’‘ancienne’ Corinne et u...

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Bibliographic Details
Main Author: Jacqueline Fabre-Serris
Format: Article
Language:deu
Published: Université Lille-3 2024-12-01
Series:Dictynna
Subjects:
Online Access:https://journals.openedition.org/dictynna/3723
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Description
Summary:Ovide a donné à sa puella le nom d’une poétesse grecque, Corinne, célèbre pour avoir triomphé de Pindare à plusieurs reprises dans une compétition poétique. Dans cet article, je défends l’hypothèse que ce choix s’explique par le désir d’instaurer une autre compétition entre l’‘ancienne’ Corinne et un poète masculin, lui-même en l’occurrence, et de la gagner en créant une ‘nouvelle’ Corinne. La poésie latine est caractérisée par des pratiques allusives que l’on peut appréhender à travers les approches intertextuelles et métalittéraires développées par la critique contemporaine. Je fais la liste de toutes les allusions métalittéraires, non au contenu des poèmes mais à l’activité poétique (passée) de l’ancienne Corinne, en essayant de montrer qu’elles font sens, non pas globalement (pour comprendre dans leur totalité les poèmes où on les trouve), mais isolément (c’est-à-dire qu’on peut lire dans ce sens certains passages). C’est par accumulation que ces possibles allusions, parce qu’elles se confortent, peuvent être considérées comme éclairant, voire explicitant, le positionnement d’Ovide en tant que poète s’appropriant un nom célèbre de poétesse, en faisant une coquille vide… et la remplissant par d’autres contenus poétiques associées à une puella élégiaque à laquelle il a donné le même nom. J’analyse dans cette perspective les poèmes consacrés aux cheveux, au perroquet et à l’avortement de Corinne. Dans une dernière partie, je m’intéresse au fait que la liaison d’Ovide avec Corinne se caractérise par une violence physique sans précédent chez les autres élégiaques. Si elle est à prendre au premier degré, elle étonne chez un poète qui expliquera longuement comment développer des relations harmonieuses entre amants dans l’Art d’aimer. Si elle est à prendre seulement métaphoriquement, elle met, elle aussi, indirectement en évidence la violence de l’appropriation par Ovide du nom de Corinne. L’enjeu des Amores a été pour Ovide de se créer un nom dans la tradition littéraire: après avoir vidé de tout contenu poétique celui de l’‘ancienne Corinne’, il s’enorgueillit à la fois d’avoir donné un nom à sa puella, ‘sa Corinne’, et d’avoir acquis, lui-même, celui de nouveau grand poète.
ISSN:1969-4202
1765-3142